Fierfête – Nouvelle Lune

Je décrisse de Twitter – bilan 2012-2023

by on Juil.16, 2023, under Géneral

J’ai rejoint Twitter à la toute fin de la grève étudiante de 2012, dans l’objectif unique de répondre à un commentaire absolument nauséabond d’un éditorialiste de La Presse. Twitter commençait alors à peine à devenir un outil politique intéressant (on se souvient par exemple de la couverture des émeutes britanniques en 2011). 140 caractères, c’était évidemment trop peu, et les fils de tweets étaient tout sauf commodes pour moi – il a fallu que je m’y fasse.

Je préférais encore la formule blog + page facebook. J’ai tweeté à l’occasion pendant quelques années avant de comprendre la valeur de Twitter, qui permet d’interpeller des personnalités publiques de manière bien plus efficace que les autres réseaux sociaux et «d’accrocher l’oeil» de gens qui ne sont pas nécessairement abonné-e-s. Twitter a une manière particulière de créer la viralité et de générer des abonnements, et ça a fini par me plaire (quoique après plusieurs années d’utilisation seulement). Cette manière de faire est de l’avis d’à peu près tout le monde à l’origine de la toxicité extrême de Twitter. Plusieurs se disent fatigué-e-s du climat dégueulasse qui règne là-bas depuis l’arrivée d’Elon Musk, mais on sait également très bien que c’était désastreux avant ça, avec des algorithmes qui favorisent la droite et des personnalités, particulièrement des femmes noires, qui se font harceler en permanence.

On pourrait suggérer que l’arrivée de Musk à la barre de Twitter a rendu le réseau social invivable même pour les hommes blancs (de gauche et de centre-gauche surtout). En ce qui me concerne personnellement, je pense que l’affichage de mes pronoms iel/they a été un facteur assez déterminant dans mon expérience du harcèlement. Depuis, les insultes visant ma santé mentale se sont multipliées.

Malgré ce climat d’acide bouillant, je me suis fait quelques ami-e-s et un nombre impressionnant d’allié-e-s. Ces alliances et amitiés qui sortaient souvent de ma chambre d’échos (je compte même des gens de centre là-dedans) ont eu un impact dans ma vie réelle. C’est d’ailleurs pour cela que je ne suis pas réfractaire au principe de Twitter. Je pense que Twitter a aidé beaucoup de gens à trouver leur famille – notamment les personnes 2SLGBTQIA+ – et a pu en partie contribuer à déconcrisser l’entre-soi de certains cercles. Mais Twitter a aussi largement contribué à plonger des centaines de milliers de personnes vulnérables dans des spirales délirantes et haineuses.

Cela dit, la toxicité du Twitter muskien ou pré-muskien n’a rien à voir avec mon départ.

J’essaie au possible d’être pragmatique: lorsque j’ai quelque chose à dire, je vais où les gens sont, flot d’insultes ou pas. Je trouvais utile non pas de débattre avec, mais de mettre la droite et l’extrême-droite dans l’embarras sur leur propre terrain de jeu. Je pense que des comptes comme @letroupeauQc et Sortons les radios-poubelles de Québec, pour ne nommer qu’eux, représentent une dépense d’énergie significative pour l’extrême-droite québécoise, une épine profondément plantée dans le pied de sa crédibilité.

Si je pars de Twitter, c’est parce que j’évalue maintenant, à l’instar d’Anne Archet (qui a fermé son compte pour de bon), que ma présence ne fait que contribuer au financement de la haine.

Ma décision s’est prise graduellement. J’ai beaucoup détesté l’arrivée des comptes payants certifiés ainsi que leurs privilèges, mais j’ai fini par passer l’éponge. Puis, des comptes de néonazis ont été réactivés. Puis, les publicités invasives à la fin des threads. Je me suis dit que je m’y ferais en faisant ce que je fais toujours ailleurs: en installant de meilleurs bloqueurs de pubs, en dénonçant et en bloquant les nazis.

Le versement arbitraire d’une part des revenus publicitaires à des influenceurs d’extrême-droite m’a finalement fait basculer. Vraisemblablement, même Andrew Tate a pu bénéficier de cette nouvelle fonctionnalité, récoltant un total de 20 000$.

Twitter s’est abondamment nourri sur le dos de nos efforts collectifs pour en arriver là. Mes stats à moi ne sont pas impressionnantes. Au cours des derniers 12 mois, mes tweets ont reçu en tout un peu plus de 1,5 million d’impressions. Mais sous mes tweets se trouvent des publicités de plus en plus invasives. Et je sais quelle valeur marchande ça peut avoir, un million d’impressions. Je sais qu’à la gang, en générant ces milliards d’impressions, on contribue à ralentir la chute d’Elon Musk. Twitter étant un fiasco financier, ça me dérangeait pas trop, au départ. Mais depuis que les fachos ont réussi à tendre la main en-dessous du robinet à argent, ça me gêne un peu plus.

Le capital qu’on contribue à générer allait jusqu’à récemment en partie payer le loyer d’un building et le salaire d’une équipe amaigrie. Maintenant, c’est autre chose. C’est pire qu’avant. Ça ne s’améliorera pas. Donc. Je vais cesser mes activités sur mon compte Twitter dès les prochains jours. Je ne vais pas effacer mon compte. Mais je vais plus venir.

Parce que le Twitter d’Elon Musk doit couler au plus vite.

Ce n’est pas ma première migration. J’ai eu un Myspace, un Skyblog, un Blogspot, deux noblogs. Ça ne va pas me perturber plus qu’y faut. En attendant que les réseaux se recréent organiquement, vous pourrez me suivre sur Mastodon, un réseau social en open source, sans publicité, décentralisé et en croissance.

@umzidiu@kolektiva.social

Je vous encourage à profiter de la confusion actuelle pour recréer vos réseaux dans des espaces qui ne sont pas capitalistes ni détenus par des entreprises privées. Les réseaux à but lucratif les plus «éthiques» seront un jour rachetés par un autre géant, et on se retrouvera de nouveau les culottes à terre.

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